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jeudi 17 août 2023

Jacques Fuster, inspecteur d’académie de la Manche en résidence à Saint-Lô de 1923 à 1927

 

Depuis 1854, trente-quatre inspecteurs d’académie se sont succédé à la tête de l’administration départementale de l’Instruction publique puis de l’Education nationale pour une durée en fonction variable. De 1881 à 1927, trois seulement dont un pour une durée de trente ans : Wilfrid Marie-Cardine de 1881 à 1891, Léon Deries de 1892 à 1923 suivi de Jacques Fuster, de 1923 à 1927. Ils eurent, chacun à leur manière, à mettre en œuvre, consolider et asseoir la politique scolaire de la Troisième République et ses valeurs. Si les deux premiers sont connus,notamment au travers de communications ou conférences que j'ai données et d'articles que l'ai publiés, le troisième l’est moins, sans doute à cause de la brièveté de son séjour manchois. Son passage n’en fut pourtant pas moins significatif. Cette lacune peut désormais être comblée grâce aux informations si gentiment communiquées par Annie Fuster, sa fille. Qu’elle en soit vivement remerciée.

Le grand-père, Pierre Fuster, né à Pau en 1841, fut pasteur de l’Eglise évangélique libre en Suisse, à Yverdon puis à Genève avant d’être affecté à Bordeaux puis à Paris. De là vient sans doute l’attachement que ne cessera d’affirmer son petit-fils pour le protestantisme et ses valeurs. Le père, Charles, William, né à Yverdon en 1866, homme de lettres, fut un poète connu dont la notoriété faiblit avec le désintérêt pour ce type d’expression littéraire à la fin du XIXe siècle. La mère, Hélène du Bousquet, était normande, née à Honfleur en 1867.

Jacques Fuster naquit à Paris le 3 juillet 1890 d’un père Suisse et d’une mère Française, qui, en se mariant, avait perdu sa nationalité. Plus tard, en 1910, il opta pour la nationalité française.  Il fit ses études primaires et secondaires à l’école Alsacienne, puis au lycée Louis-le-Grand, poursuivies à la Sorbonne où, le 11 juillet 1911, il est licencié ès lettres (section histoire). L’année suivante, le 20 juin 1912, il obtient un diplôme d’études supérieures d’histoire et géographie. Il est nommé professeur de lettres délégué au lycée de Vendôme du 9 novembre 1911 au 30 septembre 1912. C’est le début d’une carrière brillante.

Le 5 décembre 1912, il est nommé au collège de Manosque en qualité de délégué pour l’enseignement de l’histoire et des lettres ; puis, le 11 juillet 1913, au collège de Clermont (Oise) comme professeur de lettres et d’histoire.

Vint la guerre. Mobilisé du 11 août 1914 au 1er octobre 1918, il était aux Eparges puis à la bataille de Verdun où il fut blessé et gazé le 22 juin 1915. Médaille de Verdun, Croix de Guerre, Médaille militaire et Médaille des Anciens combattants, démobilisé, il reprit son poste au collège de Clermont.

Reçu à l’agrégation d’histoire et de géographie en 1919, il est nommé professeur au lycée de Douai puis, de 1920 à 1923, au collège d’Amiens.


Cherbourg-Eclair, 22 septembre 1923

En 1923, nommé inspecteur d’académie à Gap, il permute avec son collègue, M. Labrunie, précédemment professeur au collège de Laon, et obtient le poste d’inspecteur d’académie de la Manche. Il y restera trois années avant de rejoindre la Sarthe. Nous reviendrons sur son passage dans la Manche. Poursuivons sa carrière.

Au Mans, il demeura en poste jusqu’en 1935. De 1935 à 1941, il est affecté à Chartres, puis l’année suivante à Marseille. De 1942 à 1945, il est à Angers, puis de 1945 à 1956, à Melun. Chargé de mission d’inspection générale en histoire, il prend sa retraite en 1956 comme inspecteur général honoraire. Une retraite qu’il partage entre Paris et Granville.

Chevalier puis officier de la Légion d’honneur, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, chevalier du mérite social, officier de l’ordre de Saint-Sava, médaille d’honneur de l’Education physique et des sports, Prix Monthyon de l’Académie française, Jacques Fuster décéda à Paris le 24 octobre 1974.


Portrait. Adieux... En famille, 1927

Revenons sur son passage dans le département de la Manche avant de s’arrêter sur l’œuvre de l’écrivain. Jacques Fuster est nommé inspecteur d’académie délégué dans la Manche le 1er octobre 1923 succédant à Léon Deries, vieil inspecteur qui aspire à une retraite méritée après trente années en poste à Saint-Lô. Jacques Fuster s’investit dans sa nouvelle fonction avec un zèle et une fougue qui bousculent les habitudes. Si les bureaux sont encore intégrés à la préfecture, c’est rue du Neufbourg qu’il a fixé son domicile personnel. En fait, Jacques Fuster, célibataire, prend pension à l’Hôtel renommé tenu par Alphonse Datin, le père du compositeur Jacques Datin. Aimant les contacts humains, au volant de sa petite automobile, au cours de ces trois années, il sillonne l’ensemble du département de long en large. D’une inlassable activité, il se dépense sans compter. Il est l’homme des initiatives et des projets. Il est aimé et particulièrement apprécié. Lorsqu’il est nommé au Mans le 10 octobre 1927, le personnel enseignant lui témoigne son attachement lors d’un banquet solennel, grandiose même tout en restant familial.  237 convives venus de tous les coins du département répondirent à l’appel de Gaillardon, inspecteur primaire, président du comité. Ils se retrouvèrent le 29 septembre 1927 dans le grand salon de l’Hôtel-de-Ville de Saint-Lô mis à la disposition du comité. A la table d’honneur, aux côtés de Jacques Fuster, prirent place son successeur, Fernand Plenneau, le maire de Saint-Lô, le directeur de l’école normale, les inspecteurs de l’enseignement primaire, Mlle Guérin et Mme Fouace, directrices d’écoles primaires supérieures, le principal du collège de Valognes ainsi que Madame et Charles Fuster, les parents de Jacques Fuster. Les autres convives prirent place autour des cinq autres grandes tables. L’événement est rapporté dans une plaquette éditée à Saint-Lô par l’imprimeur Barbaroux : Adieux… En famille. A cette occasion, fruit d’une souscription, fut offert, un magnifique bronze d’Emile Picault[1] intitulé « La pensée » prenant son vol et portant la lumière.

Ce fut une belle manifestation ouverte par les mots du préfet Beauguitte, retenu par d’autres obligations, lus par le président du comité organisateur. Après les discours de circonstance, ce fut le tour des chants et divertissements. L’assemblée se sépara non sans avoir entonné, debout, une magistrale « Marseillaise ». Jacques Fuster sut exprimer, dans un discours chaleureux, ses sentiments de sympathie envers un personnel qui lui avait témoigné tant d’affection. Il clôturait ses propos ainsi : « Encore une fois, à ma grande famille de l’enseignement primaire dans la Manche, le mot français peut-être le plus beau : merci, et le plus réconfortant : au revoir ! »


Jacques Fuster. Arch. familiales.


Il ne croyait pas si bien dire. Dans ce département qui l’accueillit si bien, il y resta attaché jusqu’à la fin de ses jours. D’abord, l’année suivante Jacques Fuster épousa à Paris le 26 décembre 1928, Fernande Duhamel, l’une des filles de Jules Duhamel, tanneur à Périers. Occasion de revenir dans ce département. Ce ne sera pas la seule. Il y avait gardé de solides liens d’amitié. Il reviendra, le 28 juin 1936, dans les salons de l’Hôtel-de-Ville de Valognes, remettre lui-même l’insigne de la Légion d’honneur à Mlle Guérin, directrice de l’école primaire supérieure de Valognes. C’est aussi à Granville, qu’après la guerre, Jacques Fuster et son épouse, feront construire, face à la mer, un immeuble afin de partager leur temps entre Paris et la Monaco du Nord.

Le département de la Manche, pour Jacques Fuster est donc une longue histoire. Une histoire dont il laissa des traces au travers de publications. Car, en plus d’être un administrateur zélé et apprécié, l’inspecteur d’académie était aussi écrivain.

Reprenons la description de l’œuvre que propose Annie Fuster, sa fille. Sociétaire de la Société des gens de lettres, membre du Syndicat de la Presse de l’enseignement, sociétaire des Ecrivains combattants, membre du Pen Club, il ne cessa jamais d'écrire.


Signature deJacques Fuster. Collection Yves Marion.

Outre les nombreux articles et discours retenons :        

- « L’âme Française », Le Progrès de la Somme, Amiens, 1922

- En famille, préface d’Ernest Beauguitte, gravures sur bois de Houyvet, Saint-Lô, Barbaroux, 1926,  

- Parmi de braves gens, Saint-Lô, Barbaroux,1927

- Adieux…en famille, 1927, Saint-Lô, Barbaroux, 1928

- De la Hague au Mont Saint-Michel, préface de M. Pierre Appel, illustrations de M. R. Chelet, Le Mans, Monnoyer, 1933. Prix Montyon de l’Académie Française.

- Géographie d’Eure et Loir (avec Houdard), Paris, Delalain, 1942

- Histoire de France (avec A. Lebrun), préface d’Albert Bayet, Paris, Albin Michel, 1949

 

Certains de ces écrits méritent des descriptions particulières en s'appuyant sur celles faites par Annie Fuster.

« En famille »


En famille. Collection Yves Marion.

Orné de gravures sur bois de Ludovic Houyvet, jeune instituteur et artiste, l’ouvrage de 90 pages est constitué d’extraits d’allocutions prononcées par Jacques FUSTER dans le département de la Manche. En deuxième de couverture : « Le bénéfice de la vente ira à l’œuvre des Pupilles et à la Contribution Volontaire ». Charmante Préface de Mr le Préfet de la Manche, Ernest Beauguitte :

« Une préface à ce joli petit livre ?

« En vérité, il s’en passerait à merveille.

« Mais comment refuser, pour son œuvre, quelques lignes de présentation à mon dévoué collaborateur de tous les jours, au fils de mon vieil ami le poète Charles Fuster… »

« … ces pages vibrantes et de chaude couleur où le jeune Inspecteur d’Académie de la Manche a tout ensemble jeté son âme d’apôtre, son âme d’artiste, son esprit et son cœur.

« … érudition certaine, …vaste savoir…une rare qualité d’intuition, de compréhension, de pénétration des individus comme des spectacles de la nature, pour le charme de son lecteur… »

 « Parmi de braves gens », simples extraits d’Allocutions, Saint-Lô, Imprimerie Barbaroux.

- Villedieu-les-Poêles : Distribution des Prix, 15 Juillet 1926 ;

- Hainneville : Fête scolaire, 19 Avril 26 ;

 - Tatihou : Banquet d’inauguration, 12 Juin 192. Une phrase, page 8 : « Ah ! comme il faut se donner du mal pour pouvoir faire un peu de bien ».

Page 11, un poème de son père, Charles Fuster, intitulé « BONTE »

                       « … Seul, le bien qu’on sema pèse dans la balance :

                        Tâche, avant ton départ, de faire un peu de bien

 

                           Sois indulgent à tous, et tâche de comprendre.

                          Heureux le cœur naïf qui n’aura point compté !

                          Être héroïque est beau, vois-tu, mais être tendre

                          Vaut mieux, et le seul mot de la vie est : « Bonté »

   - Brévands : Fête scolaire, 13 Juin 1926,

   - Brévands : Remise d’un drapeau aux Anciens Combattants, 13 Juin 1926

Collection Annie Fuster

 « Superbe texte sur la guerre », Saint-Lô, distribution des prix, 15 Juillet 1926

« Adieux…en famille », 29 septembre 1927, Saint-Lô, Imprimerie Barbaroux.

Fête d’adieux donnée par la Manche à l’Inspecteur d’Académie, Jacques FUSTER, muté dans la Sarthe. En première page, le bronze de Picault, offert par le département, « La Pensée prenant son vol et portant la lumière « Fiat Lux ». Présence de Madame et Monsieur Charles Fuster. Allocution de Charles Gaillardon, inspecteur primaire, président du comité d’organisation : « … chef… d’esprit délié et d’un caractère charmant…accueillant…avec un empressement cordial… Activité incessante, débordante…travailleur infatigable…sensibilité… grand sportif…tennis… danseur…plein de vitalité et de gaieté ». Suit la réponse de Jacques Fuster et quelques mots de son successeur Plenneau.


Collection Annie Fuster





« De la Hague au Mont-Saint-Michel » « En flânant sur les routes de la Manche ».


De la Hague au Mont-Saint-Michel. Coll. Part. 

Prix Montyon de l’Académie Française. Illustrations de Raymond CHELET

Préface de M. Pierre APPEL, député de la Manche, Secrétaire d’Etat aux Travaux Publics et au Tourisme. Imprimerie Ch. Monnoyer, Le Mans 1933. Ce sont des extraits de discours.

 
La Manche, « le Département aux mille nuances du beau », La Hague, Saint- Sauveur-le-Vicomte, les polders, Coutances, Villedieu les Poêles, Granville, « La route en lacets » (Avranches vers le Mont) …

« Géographie par l’observation ». « Le Département d’Eure et Loir »

A l’usage du CEP des classes de 2e cycle des lycées et collèges, des cours complémentaires. J. Fuster, Inspecteur d’Académie et G. Houdard, Instituteur au Lycée de Chartres, Librairie Delalain, Paris. 32 pages. « … Intention de nous mettre à la portée de nos chers élèves ; les plus jeunes pourront même se limiter aux lignes imprimées en gros caractères ». Nombreuses illustrations, en pages de gauche et en pages de droite les textes, en gros ou petits caractères. Un résumé en fin de chaque paragraphe, des lectures conseillées, et des exercices de révision. La dernière page représente des hommes célèbres d’Eure et Loir. Ouvrage pédagogique conçu avec une approche didactique.

Collection Annie Fuster


 

« Histoire de France » rédigée en collaboration avec A. LEBRUN. C’est une histoire presque sous forme de bande dessinée, mettant en valeur les faits et les personnages marquants. Approche nouvelle pour l’époque avec des illustrations très colorées. Préface d’Albert Bayet, qui avait été un des professeurs très admiré de Jacques Fuster à la Sorbonne.

Collection Annie Fuster


Collection Annie Fuster

Yves Marion

MAJ 15 Août 2023



[1] André Emile Louis Picault, sculpteur français, né à Paris le 24 août 1833. Mort à Paris le 24 août 1922. Son œuvre, très abondante, compte principalement des sujets allégoriques ou patriotiques et des figures de guerriers et de héros mythologiques.

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