Depuis 1854, trente-quatre inspecteurs d’académie se sont
succédé à la tête de l’administration départementale de l’Instruction publique
puis de l’Education nationale pour une durée en fonction variable. De 1881 à
1927, trois seulement dont un pour une durée de trente ans : Wilfrid
Marie-Cardine de 1881 à 1891, Léon Deries de 1892 à 1923 suivi de Jacques
Fuster, de 1923 à 1927. Ils eurent, chacun à leur manière, à mettre en œuvre,
consolider et asseoir la politique scolaire de la Troisième République et ses
valeurs. Si les deux premiers sont connus,notamment au travers de communications ou conférences que j'ai données et d'articles que l'ai publiés, le troisième l’est moins, sans doute
à cause de la brièveté de son séjour manchois. Son passage n’en fut pourtant pas
moins significatif. Cette lacune peut désormais être comblée grâce aux
informations si gentiment communiquées par Annie Fuster, sa fille. Qu’elle en
soit vivement remerciée.
Le grand-père, Pierre Fuster, né à Pau en 1841, fut pasteur de l’Eglise évangélique libre en Suisse, à Yverdon puis à Genève avant d’être affecté à Bordeaux puis à Paris. De là vient sans doute l’attachement que ne cessera d’affirmer son petit-fils pour le protestantisme et ses valeurs. Le père, Charles, William, né à Yverdon en 1866, homme de lettres, fut un poète connu dont la notoriété faiblit avec le désintérêt pour ce type d’expression littéraire à la fin du XIXe siècle. La mère, Hélène du Bousquet, était normande, née à Honfleur en 1867.
Jacques Fuster naquit à Paris le 3 juillet 1890 d’un père
Suisse et d’une mère Française, qui, en se mariant, avait perdu sa nationalité.
Plus tard, en 1910, il opta pour la nationalité française. Il fit ses études primaires et secondaires à
l’école Alsacienne, puis au lycée Louis-le-Grand, poursuivies à la Sorbonne où,
le 11 juillet 1911, il est licencié ès lettres (section histoire). L’année
suivante, le 20 juin 1912, il obtient un diplôme d’études supérieures
d’histoire et géographie. Il est nommé professeur de lettres délégué au lycée
de Vendôme du 9 novembre 1911 au 30 septembre 1912. C’est le début d’une
carrière brillante.
Le 5 décembre 1912, il est nommé au collège de Manosque en
qualité de délégué pour l’enseignement de l’histoire et des lettres ; puis,
le 11 juillet 1913, au collège de Clermont (Oise) comme professeur de lettres
et d’histoire.
Vint la guerre. Mobilisé du 11 août 1914 au 1er
octobre 1918, il était aux Eparges puis à la bataille de Verdun où il fut blessé
et gazé le 22 juin 1915. Médaille de Verdun, Croix de Guerre, Médaille
militaire et Médaille des Anciens combattants, démobilisé, il reprit son poste
au collège de Clermont.
Reçu à l’agrégation d’histoire et de géographie en 1919, il
est nommé professeur au lycée de Douai puis, de 1920 à 1923, au collège
d’Amiens.
Au Mans, il demeura en poste jusqu’en 1935. De 1935 à 1941,
il est affecté à Chartres, puis l’année suivante à Marseille. De 1942 à 1945,
il est à Angers, puis de 1945 à 1956, à Melun. Chargé de mission d’inspection
générale en histoire, il prend sa retraite en 1956 comme inspecteur général
honoraire. Une retraite qu’il partage entre Paris et Granville.
Chevalier puis officier de la Légion d’honneur, commandeur
dans l’ordre des Palmes académiques, chevalier du mérite social, officier de
l’ordre de Saint-Sava, médaille d’honneur de l’Education physique et des
sports, Prix Monthyon de l’Académie française, Jacques Fuster décéda à Paris le
24 octobre 1974.
Ce fut une belle manifestation ouverte par les mots du préfet
Beauguitte, retenu par d’autres obligations, lus par le président du comité
organisateur. Après les discours de circonstance, ce fut le tour des chants et
divertissements. L’assemblée se sépara non sans avoir entonné, debout, une
magistrale « Marseillaise ». Jacques Fuster sut exprimer, dans un
discours chaleureux, ses sentiments de sympathie envers un personnel qui lui
avait témoigné tant d’affection. Il clôturait ses propos ainsi :
« Encore une fois, à ma grande famille de l’enseignement primaire dans la
Manche, le mot français peut-être le plus beau : merci, et le plus
réconfortant : au revoir ! »
Il ne croyait pas si bien dire. Dans ce département qui l’accueillit si bien, il y resta attaché jusqu’à la fin de ses jours. D’abord, l’année suivante Jacques Fuster épousa à Paris le 26 décembre 1928, Fernande Duhamel, l’une des filles de Jules Duhamel, tanneur à Périers. Occasion de revenir dans ce département. Ce ne sera pas la seule. Il y avait gardé de solides liens d’amitié. Il reviendra, le 28 juin 1936, dans les salons de l’Hôtel-de-Ville de Valognes, remettre lui-même l’insigne de la Légion d’honneur à Mlle Guérin, directrice de l’école primaire supérieure de Valognes. C’est aussi à Granville, qu’après la guerre, Jacques Fuster et son épouse, feront construire, face à la mer, un immeuble afin de partager leur temps entre Paris et la Monaco du Nord.
Le département de la Manche, pour Jacques Fuster est donc une
longue histoire. Une histoire dont il laissa des traces au travers de
publications. Car, en plus d’être un administrateur zélé et apprécié,
l’inspecteur d’académie était aussi écrivain.
Reprenons la description de l’œuvre que propose Annie Fuster, sa fille. Sociétaire de la Société des gens de lettres, membre du Syndicat de la Presse de l’enseignement, sociétaire des Ecrivains combattants, membre du Pen Club, il ne cessa jamais d'écrire.
Outre les
nombreux articles et discours retenons :
- « L’âme
Française », Le Progrès de la Somme, Amiens, 1922
- En
famille, préface d’Ernest Beauguitte, gravures sur bois de Houyvet, Saint-Lô,
Barbaroux, 1926,
- Parmi
de braves gens, Saint-Lô, Barbaroux,1927
- Adieux…en
famille, 1927, Saint-Lô, Barbaroux, 1928
- De la
Hague au Mont Saint-Michel, préface de M. Pierre Appel, illustrations
de M. R. Chelet, Le Mans, Monnoyer, 1933. Prix Montyon de
l’Académie Française.
- Géographie
d’Eure et Loir (avec Houdard), Paris, Delalain, 1942
- Histoire
de France (avec A. Lebrun), préface d’Albert Bayet, Paris, Albin Michel,
1949
Certains de ces écrits méritent des descriptions particulières en s'appuyant sur celles faites par Annie Fuster.
« En famille »
« Une préface à ce joli
petit livre ?
« En vérité, il s’en
passerait à merveille.
« Mais comment refuser,
pour son œuvre, quelques lignes de présentation à mon dévoué collaborateur de
tous les jours, au fils de mon vieil ami le poète Charles Fuster… »
« … ces pages
vibrantes et de chaude couleur où le jeune Inspecteur d’Académie de la Manche a
tout ensemble jeté son âme d’apôtre, son âme d’artiste, son esprit et son cœur.
« … érudition certaine, …vaste savoir…une rare qualité d’intuition, de compréhension, de pénétration des individus comme des spectacles de la nature, pour le charme de son lecteur… »
« Parmi de braves gens », simples extraits d’Allocutions, Saint-Lô,
Imprimerie Barbaroux.
- Villedieu-les-Poêles : Distribution des
Prix, 15 Juillet 1926 ;
- Hainneville : Fête scolaire, 19 Avril
26 ;
- Tatihou :
Banquet d’inauguration, 12 Juin 192. Une phrase, page 8 : « Ah !
comme il faut se donner du mal pour pouvoir faire un peu de bien ».
Page 11, un poème de son père, Charles Fuster,
intitulé « BONTE »
« … Seul,
le bien qu’on sema pèse dans la balance :
Tâche, avant ton
départ, de faire un peu de bien
Sois indulgent à
tous, et tâche de comprendre.
Heureux le cœur naïf
qui n’aura point compté !
Être héroïque est
beau, vois-tu, mais être tendre
Vaut mieux, et le
seul mot de la vie est : « Bonté »
- Brévands :
Fête scolaire, 13 Juin 1926,
- Brévands :
Remise d’un drapeau aux Anciens Combattants, 13 Juin 1926
« Superbe texte sur la guerre », Saint-Lô, distribution
des prix, 15 Juillet 1926
« Adieux…en famille », 29
septembre 1927, Saint-Lô, Imprimerie Barbaroux.
Fête d’adieux donnée par la Manche à l’Inspecteur d’Académie, Jacques FUSTER, muté dans la Sarthe. En première page, le bronze de Picault, offert par le département, « La Pensée prenant son vol et portant la lumière « Fiat Lux ». Présence de Madame et Monsieur Charles Fuster. Allocution de Charles Gaillardon, inspecteur primaire, président du comité d’organisation : « … chef… d’esprit délié et d’un caractère charmant…accueillant…avec un empressement cordial… Activité incessante, débordante…travailleur infatigable…sensibilité… grand sportif…tennis… danseur…plein de vitalité et de gaieté ». Suit la réponse de Jacques Fuster et quelques mots de son successeur Plenneau.
Prix
Montyon de l’Académie Française. Illustrations de Raymond CHELET
Préface
de M. Pierre APPEL, député de la Manche, Secrétaire d’Etat aux Travaux Publics
et au Tourisme. Imprimerie Ch. Monnoyer, Le Mans 1933. Ce sont des extraits de
discours.
La Manche, « le Département aux mille nuances du beau », La Hague, Saint-
Sauveur-le-Vicomte, les polders, Coutances, Villedieu les Poêles, Granville,
« La route en lacets » (Avranches vers le Mont) …
« Géographie
par l’observation ». « Le
Département d’Eure et Loir »
A
l’usage du CEP des classes de 2e cycle des lycées et collèges, des
cours complémentaires. J. Fuster, Inspecteur d’Académie et G. Houdard,
Instituteur au Lycée de Chartres, Librairie Delalain, Paris. 32 pages. « …
Intention de nous mettre à la portée de nos chers élèves ; les plus jeunes
pourront même se limiter aux lignes imprimées en gros caractères ». Nombreuses
illustrations, en pages de gauche et en pages de droite les textes, en gros ou
petits caractères. Un résumé en fin de chaque paragraphe, des lectures
conseillées, et des exercices de révision. La dernière page représente des
hommes célèbres d’Eure et Loir. Ouvrage pédagogique conçu avec une approche didactique.
« Histoire
de France » rédigée en
collaboration avec A. LEBRUN. C’est une histoire presque sous forme de bande
dessinée, mettant en valeur les faits et les personnages marquants. Approche
nouvelle pour l’époque avec des illustrations très colorées. Préface d’Albert
Bayet, qui avait été un des professeurs très admiré de Jacques Fuster à la
Sorbonne.
Yves Marion
MAJ 15 Août 2023
[1] André
Emile Louis Picault, sculpteur français, né à Paris le 24 août 1833. Mort à
Paris le 24 août 1922. Son œuvre, très abondante, compte principalement des
sujets allégoriques ou patriotiques et des figures de guerriers et de héros
mythologiques.