POISSON
D'AVRIL
Alléluia
! Avril est ressuscité ! Le diable est qu'il nous revient tout grelottant,
coiffé d'un chapeau de neige. Neige à l'Est, à l'Ouest, en Lorraine, en
Normandie, dans le Nord, dans le Midi, neige glacée hivernale fort
intempestivement mêlée à l'autre, à celle que Victor Hugo a si admirablement
appelée la neige odorante du printemps. Tous les oiseaux, du coup, en ont
ravalé leurs chansons. Silence complet dans les bois, dans les jardins
consternés. Quant au retour des hirondelles, qu'on annonçait comme imminent, je
croirais bien plutôt à celui des bécasses.
Avril,
du latin aperire (ouvrir) ouvrait autrefois l'année. Les Romains
l'avaient consacré à Vénus. Ils le représentaient sous la figure d'un beau
jeune homme dansant au son d'un instrument champêtre. Pour nous, c'est le mois
des poissons, et je vois que cette année encore, bien que la mode commence à
s'en passer, l'origine du « poisson d'avril » préoccupe vivement certains
cerveaux toujours entêtés de tradition.
Pour
les uns — les plus nombreux — cet usage se serait introduit en France vers la
fin du seizième siècle, juste à l'époque où l'année cessa de commencer en
avril, en vertu d'une ordonnance de Charles IX, datée de 1567. Mais cette
explication, qui semble au premier abord la plus séduisante, est la plus facile
à réfuter. Il suffit, en effet, pour la détruire d'un seul texte mentionnant
l'usage du poisson d'avril avant 1567. Or, dans une farce de la première moitié
dit seizième siècle, la Résurrection de Jennin Landore, qui fait partie
dit célèbre recueil du British Museum et a été rééditée par Viollet-le-Duc, on
lit :
LE CLERC :
Sus, que suis-je ?
JENNIN :
Poysson d'apvril.
LE CLERC :
Poysson d'apvril ?
JENNIN :
Voici le cas.
LE CLERC :
Et voire, mais je n'entends pas
Que c'est à dire.
JENNIN
Voicy rage :
Voicy rage :
Quand on met une pie en cage
Que lui apprend-on de nouveau
À dire ? Parle.
LE CLERC
Macquereau.
JENNIN
Clerice, tu es tout gentil
Clerice, tu es tout gentil
Macquereau, c'est poysson d'apvril.
Mieux
encore, on retrouve l'expression « poisson d'avril » en 1508, dans la Grande
Dyablerie du curé Eloy Damerval :
Poisson d'avril viens tost à moy !
On
peut donc continuer de remonter le cours des années en quête de ce facétieux
poisson d'avril qui semble se dérober à plaisir au coup de ligne des passionnés
de folklore et de tradition.
CHARLES
FRÉMINE.
Le Rappel, 1896/04/02 (N519)
Article aimablement communiqué par Christophe Canivet.
Consulter également :
- https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article782 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Poisson_d%27avril
- https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article782 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Poisson_d%27avril
Yves Marion
1er avril 2019