Napoléon 1er |
Si le terme de "baccalauréat" existait depuis la fin du Moyen Âge, il était synonyme de la maîtrise ès arts, grade qui sanctionnait avant 1789 les études dispensées dans les facultés ès arts, associant sciences et humanités.
Spécificité française, le baccalauréat marque la charnière entre le secondaire et le supérieur. Il consacre l’aboutissement des études secondaires et est une condition nécessaire pour entamer des études supérieures. Il est conçu comme le premier grade universitaire, car décerné par les facultés, après avoir été préparé dans le cadre de l’enseignement secondaire et avoir porté sur ses programmes d’enseignement.
Ainsi ces dispositions ne sont-elles pas sans ambiguïté dès l’officialisation du statut de cet examen par Napoléon en 1808. En effet, le baccalauréat existe avant le XIXe siècle. Son étymologie bacca laurea désigne, en latin médiéval, la baie de lauriers remise aux vainqueurs. Appelé "déterminante" puis "baccalauréat" vers la fin du XIVe siècle, c’était le grade qui sanctionnait la première partie des études universitaires.
Lorsque Napoléon crée, par la loi du 10 mai 1806, l’Université impériale, il la considère comme une corporation enseignante et non comme un établissement supérieur ; il lui donne le monopole exclusif de l’enseignement public dans l’empire. Deux ans plus tard, après plusieurs projets, l’organisation et le fonctionnement de cette nouvelle institution sont définis par le décret du 17 mars 1808. Il précise notamment les missions des facultés. Outre les tâches d’enseignement et de formation, elles détiennent le monopole de la collation des grades qui sont au nombre de trois à savoir le baccalauréat, la licence et le doctorat.
Diplôme du baccalauréat à l’époque de Napoléon |
Deux baccalauréats sont créés : le baccalauréat ès lettres pour les facultés des lettres et le baccalauréat ès sciences pour les facultés des sciences, à la condition, pour ce dernier, que le candidat soit déjà titulaire du baccalauréat ès lettres. Pour être admis à subir l’examen du baccalauréat, les candidats doivent produire un certificat attestant une assiduité de deux ans soit dans un lycée soit dans une école où le double enseignement, rhétorique et philosophie, est autorisé par l’Université impériale.
Ces dispositions du décret du 17 mars 1808 sont complétées par le statut du 18 octobre 1808 qui organise le baccalauréat ès lettres : nombre et calendrier des sessions, composition des jurys, publicité de l’examen, droits d’inscription, délibération, attestation de la réussite... Il est prévu que deux sessions soient ouvertes chaque année : la première dans les quinze derniers jours de l’année en lycée, la seconde dans les quinze jours précédant l’ouverture des cours des facultés. Les jurys doivent être composés de trois examinateurs dont deux au moins sont membres de la faculté des lettres. L’examen est oral et public. La délibération est immédiate et suivie de la proclamation des résultats. Un certificat d’aptitude au grade de bachelier est enfin délivré aux lauréats.
La première session a lieu en 1809 : 32 diplômes de bacheliers dont 31 ès lettres et un ès sciences sont délivrés. La barre des 1 000 diplômés est franchie en 1811 avec 983 bacheliers ès lettres et 43 bacheliers ès sciences.
Mais des critiques apparaissent très tôt contre le monopole de l’Université impériale à délivrer ce premier grade universitaire, notamment de la part des institutions privées qui soupçonnent les examinateurs du baccalauréat de partialité à l’égard de leurs élèves. Le fait est que les facultés étant peu nombreuses, dans certaines villes, des commissions d’examen étalent constituées de professeurs des lycées.
Ces critiques conduisent à adopter de nouvelles modalités d’examen. En 1840, apparaissent les mentions (Très Bien, Bien, Assez Bien). L’écrit, institué dix ans plus tôt, prend la forme durable d’une version latine, Immédiatement corrigée. L’oral comprend l’explication de textes français, latins et grecs et une interrogation sur les autres matières par le biais de 500 questions différentes donnant lieu à tirage au sort.
Aux alentours de 1850, un nouveau régime s’impose à la suite de la suppression des commissions d’examen en 1847, du certificat d’études en 1849 et, en 1848, de l’obligation du baccalauréat ès lettres pour présenter celui de sciences. C’est la « bifurcation » qui se caractérise par la mise en place, après la classe de 4e, de deux filières parallèles menant aux deux baccalauréats, ès lettres et ès sciences. Mais les critiques demeurent sévères ; elles dénoncent en particulier le système de la liste des questions qui tend à réduire l’examen à un exercice de mémoire favorisant le règne du mémento et des « boîtes à bachot ».
Une série de réformes, menées successivement par les ministres de l’Instruction publique, Fortoul en 1852, Rouland en 1857, et Duruy en 1864, va tendre à relever le niveau de l’examen en limitant le nombre des questions propices au par cœur et en créant des épreuves où le candidat doit faire preuve de réflexion. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le nombre des candidats augmente tout en continuant de correspondre à une mince élite : 4 150 étaient reçus en 1850, ils sont 6 300 à la fin des années 1860. A la veille de la Première Guerre mondiale, ils demeurent peu nombreux, de l’ordre de 7 000 par an. L’essor, quoique limité, commence entre les deux guerres avec 27 000 bacheliers en 1939, soit moins de 3 % d’une classe d’âge. L’explosion aura lieu dans les années 1960. Les jeunes filles vont s’y distinguer par un succès croissant.
Longtemps les filles ont été tenues à l’écart d’un enseignement secondaire public. Seules les institutions privées les accueillaient jusqu'à la création en 1880 des lycées de filles. De même leur accès au baccalauréat est une conquête difficile car il était rendu impossible par le fait que le décret de 1808 ne prévoyait pas qu’elles pussent être candidates. La première bachelière, Julie-Victoire Daubié, a obtenu ce titre à Lyon, en 1861, à l’âge de 37 ans, grâce à l’appui de l’impératrice Eugénie et en obtenant une autorisation spéciale.
Jusqu'au début des années 1920, cet examen est réservé aux garçons et les filles ne peuvent s’y présenter qu’avec l’autorisation du gouvernement. Ceci est la conséquence de la loi Camille Sée, le 21 décembre 1880, qui certes crée un véritable enseignement secondaire féminin d’État, dispensé pendant cinq ans par des professeurs femmes, mais un enseignement ségrégatif dans la mesure où il ne conduit qu’à un diplôme de fin d’études secondaires, lequel n’ouvre aucun accès aux facultés.
De fait, les réformateurs de la fin du XIXe siècle ont provoqué une rupture en s’intéressant à cette clientèle féminine jusque-là négligée par l’État (sauf sous le ministère Duruy en 1867) car confiée aux institutions privées, en majorité confessionnelles. Pour s’assurer une formation de qualité dans l’esprit républicain, la loi Camille Sée institue des externats secondaires féminins, auxquels l’école normale supérieure de Sèvres, créée en 1881, doit fournir une élite de professeurs. Le nouveau réseau se développe progressivement : passant de 160 lycées et collèges de filles en 1887 à 172 (dont 79 lycées) en 1939.
Jusque dans les années 1920, l’enseignement des jeunes filles, selon l’historienne Françoise Mayeur, se définit par « son refus de tout ce qui est dogmatique, livresque ». Il apparaît comme un laboratoire pédagogique où les matières et méthodes d’enseignement sont plus pragmatiques que chez les garçons, en particulier en ce qui concerne les matières modernes, français et langues vivantes : le français y est étudié indépendamment des langues anciennes et l’explication de textes y occupe une place importante ; en anglais et en allemand, les leçons sont plus orales et vivantes que chez les garçons.
Point de latin, ni de grec, très peu de sciences. L’histoire y est enseignée dans une perspective moins nationale sur la thématique de la civilisation. Quant à l’enseignement de la morale, Il s’adresse plus au cœur qu’à l’esprit. Enfin, la force des préjuges relatifs à la féminité se mesure à l’aune de la place maintenue pour les arts d’agréments.
Il faut attendre 1924 pour que Léon Bérard unifie les études féminines et masculines et que soit créé un baccalauréat unique. Cependant, bien avant ce décret du 25 mars 1924 instituant « l’assimilation » au secondaire masculin de l’enseignement secondaire des jeunes filles, ces dernières avaient déjà grossi les effectifs des étudiants malgré le fait que les candidates au baccalauréat devaient obtenir une autorisation spéciale du ministre de l’Instruction publique et que les tentatives en vue de faire reconnaître le diplôme de fin d’études féminines comme équivalent du baccalauréat étaient vouées à l’échec, du moins jusqu'au début des années 1900.
du XVIIIe siècle à nos jours » (par Nathalie Duval), paru en 2011)
Publié / Mis à jour le dimanche 17 mars 2019, par LA RÉDACTION
Article proposé par Yves MARION