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Victor Hugo à 16 ans |
(Extrait de « Le Figaro » du 23 mai 1885)
Victor Hugo n’est plus. La main me tremble en annonçant cette irréparable catastrophe, écrit l’homme de presse et de lettres Auguste Vitu dans Le Figaro, au lendemain de la mort de l’illustre écrivain. Je sais bien qu’il était plein de jours et qu’il avait dépassé de beaucoup les limites ordinaires de la longévité de l’homme.
Qu’importe ! Nous l’aimions, je l’aimais pour ma part depuis quarante années ; et si je n’allais pas jusqu'à le croire immortel, je m’imaginais du moins, que je ne le verrais pas mourir. Chaque année, au commencement du mois de février, quelques amis fidèles songeaient à célébrer le nouvel anniversaire de la naissance du maître dans un banquet à la fois solennel et joyeux. Aux objections, aux résistances, car les choses les plus simples ont leurs contradicteurs et leurs railleurs, nous répondions seulement : « Il a passé ses quatre-vingts ans ! Il faut se hâter de l’honorer encore, c’est peut-être la dernière fois. » Mais, nous n’en croyions rien, et j’espérais fermement qu’il ne finirait pas avant le siècle qu’il avait presque commencé.
C’en est fait, Victor Hugo « entré vivant dans la postérité », entre aujourd'hui glorieux dans la mort. Devant cette grande tombe, les panégyriques sont superflus et les jugements contradictoires une sorte d’impiété. Rappelons seulement à grands traits cette haute figure.
Né à Besançon, du commandant Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo, et de sa femme Sophie Trébuchet, le 26 février 1802, Victor-Marie Hugo reçut sa première éducation au collège des Nobles en Espagne, son père, devenu général et comte de l’Empire, ayant été appelé aux fonctions de majordome ou grand chambellan du roi Joseph. Entre la huitième et la onzième année, les impressions reçues par le cerveau de l’enfant sont indélébiles. C’est donc à l’Espagne elle-même, et non à la ville de Besançon « vieille ville espagnole », qu’il faut attribuer le développement initial des facultés pittoresques, l’intensité de coloris, la grandiloquence hautaine et familière à la fois qui caractérisèrent l’œuvre de Victor Hugo à toutes les époques de sa vie.