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jeudi 20 janvier 2022

Réglement de l'école de charité de garçons de Bricquebec, 25 mars 1750.

 

Les historiens de l’école font souvent remarquer que les écoles de charité ou petites écoles n’étaient soumises à aucun règlement uniforme ni pour l’organisation des classes ni pour l’enseignement. Ecoles de fondation, c’était en général le contrat de fondation qui précisait les règles à suivre. Cependant, à l’observation, ils présentent presque tous les mêmes prescriptions. Pour donner une idée de ce qu'étaient ces rè­glements, en voici un dont l'original était conservé aux archives de la Manche. Il fut donné le 15 mars 1750 par le marquis de Matignon aux « écoles de charité de garçons de Bricquebec et dépendances », et approuvé le 25 mars de la même année par l'évêque de Coutances, Mgr Léonor Gouyon de Matignon.

Ce règlement est extrait de l’article « Normandie » du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson, édition de 1889, partie 1, tome 2, p. 2101-2117.  Il a été relevé en son temps par Wilfrid Marie-Cardine, agrégé de grammaire, Inspecteur d’académie de la Manche (1881-1891), auteur, en deux volumes, d’une Histoire de l’enseignement dans le département de la Manche de 1789 à 1808 d’après des documents inédits, Saint-Lô, Prével, 1889.



En voici la teneur :

-      Art. 1. — Il y aura deux écoles de cha­rité de garçons, tenues dans le bourg de Bricquebec par les chapelains du château, sçavoir, la petite par l'un d'eux, et la grande par l'autre.

-      Art. 2. — En cas d'absence nécessaire ou de maladie de l'un des chapelains, l'autre tiendra les deux écoles pendant le temps d'absence ou de maladie seulement, en se faisant aider sous ses yeux par ceux des écoliers qui en seront les plus capables.

-        Art. 3. — Les écoles se feront tous les jours ouvrables, matin et soir, sçavoir : depuis le pre­mier octobre jusqu'au premier mars, à huit heures et demye précises du matin, et à une heure après midy, et depuis le premier mars jusqu'au pre­mier octobre à huit heures précises du matin et à une heure et demye après midy.

-         Art. 4. — La durée des écoles sera de deux heures et demye le matin et de deux heures l'après midy.

-        Art. 5. — On donnera un jour de congé par semaine où il ne se rencontrera point de feste.

-        Art. 6. — Les vacances commenceront le quinze juillet et finiront au dernier août, sans pouvoir être prolongées au-delà.

-        Art. 7. — Le chapelain, qui sera de jour ou de semaine pour dire la messe, y fera assister les enfans de son école autant que faire se pourra, et qu'il lui sera libre de dire la messe avant que son école commence, ou immédiatement après qu'elle sera finie.

-         Art. 8. — On ne pourra montrer le latin à qui que ce soit pendant la tenue des écoles, afin que les maîtres ne soient point détournés ni surchar­gés, sauf aux autres ecclésiastiques du bourg à sacquer à cette bonne œuvre.

-        Art. 9. — Tous ceux qui se présenteront aux écoles y seront reçus, sans que l'on puisse exiger connaître les peines et soins des maîtres à suivre leur volonté et leur pouvoir comme ils aviseront bien.

-        Art. 10. — Les enfans des deux écoles seront distribués en différentes bandes ou classes de façon qu'ils soient, autant que faire se pourra, d'é­gale force en chaque classe, afin de donner moins de peine aux maîtres et plus de facilité aux écoliers.

-        Art. Il. — Tous ceux de la même classe au­ront chacun un même livre, afin d'avoir tous une même leçon, et qu'ils soient toujours en haleine, pour suivre, répéter et profiter en même temps, le premier de la bande commençant, le second ensuite, et ainsy successivement jusqu'au dernier.

-        Art. 12. — Pour ne pas ennuyer ni dégoûter les enfans, les empêcher de perdre leur temps et contribuer au silence et bon ordre de l'école, on fera en sorte quo leurs occupations se succèdent, de façon qu'une classe entière écrive pendant qu'une autre étudie, et que l'autre lit ou récite ce qu'elle a appris par mémoire, eu commençant toujours par la classe la plus avancée.

-        Art. 13. — Il sera marqué des places de dis­tinction dans chaque classe pour les plus diligens, et afin que chacun y puisse aspirer, on compo­sera tous les vendredis après midy par écriture, lecture ou mémoire, et les places seront assignées suivant le mérite d'un chacun sans acception de personne.

-        Art. 14. — Il sera établi un censeur, en chaque école, qui sera choisi parmi les plus in­struits et les plus sages, pour maintenir le bon ordre sous la direction du martre : il entrera le premier à l'école et en sortira le dernier, don­nera les livres aux écoliers, et les recevra d'eux après les leçons, maintiendra la police en l'ab­sence du maitre, aura soin que l'école soit balayée tous les jours par ceux qui seront désignés pour cette fonction, aidera le maitre dans les exercices de l'école qu'il lui ordonnera, veillera à ce que les écoliers sortent de l'école, aillent à la messe et en reviennent deux à deux avec modestie et sans confusion, donnera à ceux qui sauront lire les livres pour entendre la messe lorsqu'ils seront dans la chapelle, et les recevra d'eux après la messe. Veillera enfin à ce que tous y assistent avec respect, et y fassent les prières qui leur seront ordonnées.

-        Art. 15. — Tous les livres resteront dans l'école sans qu'il soit permis aux écoliers de les emporter chez eux, à l'exception de ceux dont ils auront besoin pour les leçons qu'ils doivent réci­ter par mémoire, et afin que le tout se conserve plus longtemps, on donnera toujours à chaque écolier le même livre, sur lequel son nom sera écrit, tant qu'il s'en servira, et visite en sera faite de fois à autre, pour connoistre ceux qui auront déchiré ou conservé leur livre.

-        Art. 16. — L'école commencera le matin par la prière du matin, et la dernière demye heure sera employée à instruire de la religion, appren­dre à prier Dieu, le catéchisme du diocèse, servir la messe, expliquer et faire rendre compte du tout aux enfans suivant leur portée, afin de leur en faciliter l'intelligence, et elle se terminera par la lecture d'un article ou paragraphe de l'Imita­tion de Jésus-Christ, suivie d'une courte prière.

-        Art. 17. — L'école commencera l'après midy par le signe de la croix et l'invocation du Saint-Esprit, et finira par la lecture de la vie du saint dont on fera la feste le lendemain, suivie de la prière du soir.

-        Art. 18. — La dernière demye heure de l'é­cole du samedi après midy sera employée à faire lecture de l'épître et évangile du dimanche suivant au lieu de celle de la vie du saint ; on leur fera ensuite une instruction familière et à leur portée sur l'épître et sur l'évangile : on en usera de même les veilles des festes en les instruisant sur ce qui aura été lu de la feste ou du mystère de la Vie des Saints, et ces instructions seront suivies de la prière du soir, comme il vient d'être dit au précédent article.

-        Art. 19. — Les enfans des petites écoles seront distribués en trois classes : la première sera composée de ceux qui ne connaissent point leurs lettres, ou qui en ignorent le nombre, la qualité ou les caractères, auxquels on donnera les premières notions ; la seconde sera composée de ceux qui connaissent leurs lettres et leur pro­nonciation, et auxquels on apprendra la manière de les unir ensemble pour former des syllabes ; et la troisième sera composée de ceux qui savent appeller leurs lettres et former toutes sortes de syllabes d'une manière ferme et assurée ; et aux­quels on apprendra à assembler lesdites syllabes pour en faire des mots, jusqu'à ce qu'ils en ayent pris une grande habitude, qu'ils le fassent avec facilité sans s'y tromper, et qu'ils soient en état de lire quelques lignes correctement.

-        Art. 20. — L'expérience ayant appris que la lecture du français conduit et dispose naturelle­ment à la lecture du latin, et qu'il n'en est pas de même du latin à l'égard du français, on com­mencera et on continuera toujours les enfans des trois classes des petites écoles par le français, et on ne leur apprendra point à lire en latin.

-        Art. 21. —Par les raisons déduites article 12, on leur apprendra aussy, autant que faire se pourra, à écrire, en donnant des exemples de let­tres communes à ceux de la première classe, des syllabes à ceux de la seconde, et des mots à ceux de la troisième, et néanmoins laissé à la prudence du maître de dispenser du contenu au présent ar­ticle ceux qu'il trouvera trop jeunes, ou que l'écri­ture pourrait empêcher d'apprendre à lire.

-        Art. 22. — Enfin on leur apprendra à faire le signe de la croix, à prier Dieu d'abord en français, ensuite en latin, on leur enseignera en outre les principaux mystères de notre religion, les élé­ments du catéchisme du diocèse, et on leur expli­quera le tout, suivant leur portée et qu'il sera nécessaire en y employant le temps prescrit ar­ticle 16.

-        Art. 23. — Lorsque les enfans seront assez forts pour lire en français deux ou trois lignes de suite correctement et qu'ils sauront le petit caté­chisme du diocèse, on les fera passer dans la grande école.

-        Art. 24. — La grande école sera distribuée en trois classes, la première sera composée de ceux qui commenceront à lire quelques lignes de suite en français et que l'on fortifiera dans cette lecture en les faisant encore syllaber et lire ensuite exac­tement avec toutes les différentes prononciations des lettres, points et virgules, jusqu'à ce qu'ils commencent à s'écouter en mesure et à prendre goût à ce qu'ils lisent ; la seconde sera composée de ceux qui sauront lire couramment et exacte­ment dans le français et auxquels on apprendra à lire en latin le matin, sans pour cela discontinuer de les faire lire en français l'après midy ; la troi­sième sera composée de ceux qui sauront bien lire en français et en latin, et auxquels on apprendra : I° à lire dans quelques livres imprimés en lettres gothiques, leur en faisant bien connaitre les carac­tères, les liaisons, les abréviations, les abrégés et les grandes lettres ; 2° à lire des papiers écrits à la main ; 3° l'arithmétique et le calcul avec la plume et les jettons, le tout sans discontinuer de les faire lire en français et en latin, en les faisant passer successivement du plus aisé au plus diffi­cile.

-        Art. 25. — On leur montrera aussy à écrire et à former des chiffres, et l'on continuera en même temps ceux qui ont commencé à écrire dans la petite école jusqu'à ce qu'ils soient tous en état d'écrire aisément deux pages par jour d'un livre, une le matin et l'autre l'après-midy, en observant l'orthographe, les points, virgules, accents et lettres majuscules, et formant bien leur écriture.

-        Art. 26. — On leur enseignera à tous indis­tinctement le catéchisme du diocèse, et on leur en fera répéter tous les matins par mémoire, plusieurs demandes et réponses, plus on leur fera apprendre et réciter par mémoire l'après-midy quelques ver­sets des épîtres et évangiles du dimanche qui doit suivre, de façon qu'ils puissent répéter le tout au temps prescrit article 28.

-        Art. 27. — On exercera encore leur mémoire suivant la portée d'un chacun en faisant appren­dre et réciter successivement à ceux qui sauront bien le catéchisme du diocèse, le catéchisme his­torique de M. l'abbé Fleury, les sentences ou maximes de l'Écriture sainte, l'abrégé de l'histoire de l'Ancien Testament, le Nouveau Testament, et le tout sans discontinuer de leur faire réciter comme aux autres le catéchisme du diocèse afin qu'ils ne puissent l'oublier.

-        Art. 28. — Il se fera tous les samedis matin une répétition générale de tout ce qu'ils auront appris par mémoire et récité le matin dans le cours de la semaine ; il en sera usé de même les samedis après-midy pour tout ce qu'ils auront appris et récité l'après-midy pendant la même semaine ; et s'il était feste le samedy, la répétition générale se fera le vendredy précédent et tiendra lieu alors de la composition prescrite article 13.

-        Art. 29. — Enfin, les veilles des dimanches et festes, à l'issue de l'école de l'après-midy, on ap­prendra le plain-chant pendant un quart d'heure à ceux en qui l'on trouvera les dispositions requises, et deux entre eux seront successivement désignés pour servir de chantres dans ladite cha­pelle le dimanche ou feste suivante. 

Relevé et mis en ligne par Yves Marion, 20 janvier 2022


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