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mercredi 13 novembre 2019

Formation et rémunération des enseignants au XIXème siècle

Ecole 19e

Il ne faut pas se voiler la face, sous la Révolution et même après, l’incompétence des instituteurs est manifeste. L’idée d’un établissement qui formerait les futurs enseignants éclot lors de la Révolution mais n’aboutit pas réellement. 

"Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple, s'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera demain."
Citation de François-Jules Suisse, dit Jules Simon


Il faudra attendre 1808 pour que la 1ère école normale primaire voit le jour dans le Bas Rhin : les élèves-maîtres devaient y rester 4 ans et apprendre la langue allemande, l’arithmétique, des éléments de physique, la calligraphie, la géographie, le dessin, la musique, le chant, des notions d’agriculture et de gymnastique et apprendre la méthodologie.


L’expérience fut intéressante mais n’eut pas de succès et on se borna en 1816 à instaurer pour les futurs instituteurs, un brevet de capacité : tout particulier pouvait enseigner du moment qu’il obtint du curé ou du maire de la commune où il avait résidé au moins 3 ans un certificat de bonne conduite et qu’il fut examiné par un inspecteur d’académie.

Le brevet se décomposait en 3 degrés :
Brevet de capacité
Brevet de capacité
  • Le 3ème degré est accordé à ceux qui savent suffisamment lire, écrire et compter
  • Le 2ème est délivré à ceux qui possèdent l’orthographe, la calligraphie le calcul
  • Le 1er pour ceux qui possèdent la grammaire française , l’arithmétique, sont en état de donner des notions de géographie, d’arpentage et tout autre connaissance utile dans l’enseignement primaire
Le principe de ce brevet sera conservé par Guizot qui écrira à ce sujet en 1833 : « Il est évident que l’instruction primaire tout entière repose sur cet examen […]. Supposez qu’on y mette un peu de négligence, ou de complaisance, ou d’ignorance, et c’en est fait de l’instruction primaire »

Pendant ce temps l’idée des écoles normales primaire fait son chemin et en 1828, 11 écoles normales voient le jour. Toutes dirigées par des congrégations enseignantes.

Il faut attendre 1833 et François Guizot pour que l’État se charge enfin de la direction de ces écoles et se réapproprie l’enseignement. Désormais il y aura une école normale primaire par département. Les élèves doivent financer leurs études sauf s’ils sont boursiers.

Le contenu de leur enseignement est le suivant :

L’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, l’arithmétique, le système légal des poids et mesures, la grammaire française, le dessin linéaire, l’arpentage, des notions de sciences physiques applicables aux usages de la vie , la musique la gymnastique, des éléments d’histoire et de géographie de la France plus de la méthodologie.

Les 1ères écoles normales féminine furent créées en 1838.
Ecoole normale de Douai
École normale de Douai 1877
Le conseil général du Nord n’attendit pas la loi Guizot et dès 1832 vota les crédits nécessaires pour la création d’une école normale. S’agissant de former des institutrices, ce fut plus difficiles car les moyens manquent. Le Conseil général va se contenter de voter 10 bourses en 1843 pour des élèves maîtresses qui poursuivraient leurs études auprès des Dames de Flines, congrégation religieuse habituée à former des institutrices depuis 1835. Ce ne sera qu’en 1883 que l’école normale de fille ouvrira ses portes à Douai.

Les programmes se firent plus pointues et rapidement, ces écoles furent victimes de leurs succès : on les accusa de susciter des idées subversives : c’est-à-dire de favoriser l’émergence des idées démocratiques et socialistes.

Des voix s’élevèrent dans la société bien pensante pour demander à ce que le niveau de connaissance des maîtres fut plus modeste de façon à ne pas en faire des demi-savants mais des hommes et des femmes dont le seul objectif était de remplir correctement la tête des enfants.

C’est ainsi que la loi Falloux de 1850 allégea les programmes et les modifia dans un esprit plus clérical. L’instruction morale et religieuse figure au premier rang des matières enseignées. Les congrégations religieuses se voient faciliter l'ouverture d'établissements d'enseignement, et les municipalités ont le droit de choisir un congréganiste comme instituteur dans les écoles primaires publiques. Elle déclara également que la création d’écoles normales primaires n’était pas une obligation du moment que les départements se débrouillent pour recruter et former les enseignants. A noter que Victor Hugo était opposé à cette loi.

Falloux expliquera ainsi la présence de l’Église dans l'éducation de l'enfant : 
"L'instruction est demeurée trop isolée de l'éducation; l'éducation est demeurée trop isolée de la religion. Le temps n'est plus grâce à Dieu, où l'on faisait à la religion l'insulte de croire que, complice de l'ignorance, elle servait d'instrument docile à tous les gouvernements. Nous voulons que la religion ne soit imposée à personne, mais enseignée à tous ... Mais pour que la religion communique à l'éducation sa puissance, il faut que tout y concoure à la fois, et l'enseignement, et le maître. C'est le but que nous avons tâché d'atteindre autant qu'on peut le faire par des mesures législatives, en confiant au curé ou au pasteur la surveillance morale de l'école primaire."

Malgré l’amélioration du statut de l’instituteur dès 1833, il est très difficile de les recruter et une fois recrutés de les garder. En effet le métier ne suffit pas à vivre décemment. Les premiers mois, le salaire est trop faible pour les dépenses de la vie courante, comme payer la pension à l’auberge. Les instituteurs sont alors obligés de cumuler les emplois (employés de bureaux, travailleurs à la ferme, secrétariat en mairie…). En 1837 par exemple il est décrit que « tous les ans au mois d’octobre les instituteurs font une quête dans les principales maisons du village ; ces quêtes s’étendent sur le vin, le beurre, les œufs le fromage … ».

Ainsi l'inspecteur des écoles primaires, Carlier, constate en 1838 : « Ce qui importe le plus en ce moment c'est l'amélioration du sort des instituteurs communaux qui pour la plupart manquent des moyens d'existence. On peut dire que les deux tiers au moins sont loin d'avoir une existence honorablement assurée ».

En 1840, 300 instituteurs sur 650 vivent dans une position proche de la misère. En 1846, la moyenne des salaires ne dépasse pas 450 francs par an. Et encore pour y parvenir, les maîtres d'école cumulent les emplois. La situation est encore plus difficile pour les institutrices communales. Sur 118 maîtresses d'école recensées en 1846, 33 gagnent moins de 400 francs par an, 47 de 400 à 600 francs, 9 de 600 à 700 francs.

10 seulement atteignent 1 000 francs. Et à la différence de leurs collègues masculins, elles sont tenues de payer leur loyer.

Or la Commission d'enquête du canton de Carnières (du côté de Cambrai) dans sa réponse à une enquête sur la question du travail agricole et industriel estime qu'un célibataire se contentant du strict minimum a besoin de 350 francs par an, un couple avec deux enfants 725 francs. Un instituteur a manifestement du mal à s’en sortir…

 Article issu du blog généalogique : http://magenealogie.eklablog.com/
Rédigé par Séverine Rose


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