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mardi 26 novembre 2019

De quoi vivent les instituteurs au XIXème siècle ?

De quoi vivent les instituteurs ?

Salle de classe
Salle de classe
La loi Guizot de 1833 nous l’avons vu précédemment impose 200 francs par an minimum d’appointements à la charge des communes. Mais nombre de communes ne peuvent pas s’acquitter de ce salaire.

Ajouté à ce traitement fixe existe une rétribution par enfant scolarisé qui est modulée en fonction du contenu de l’enseignement : lire ou lire et écrire ou lire écrire et compter. Or là aussi nombre de parents se contentent du strict minimum.

Par ailleurs les dépenses de chauffage sont mises à la charge de l’enseignant qui va également se débrouiller lui-même pour trouver du matériel scolaire.

Au final l'instituteur n'a pas réellement de quoi vivre et doit, on va le voir plus loin, cumuler les emplois pour s'en sortir et même faire la quête à certains moments de l'année



Paul Lorain, professeur de rhétorique et l’un des 490 inspecteurs généraux écrira : « La misère des instituteurs [est] égale à leur ignorance, le mépris public [est] mérité souvent par leur ignominie ».

Par ailleurs dans certaines communes il y a des usages qui obligent l’instituteur à être chantre, bedeau, fossoyeur, secrétaire de mairie .. et si jamais ils ne peuvent assumer ces tâches, ils doivent rembourser les frais correspondant à son remplacement ; ainsi Charles Sauvestre, ardéchois, en 1848 écrit : « les enterrements me ruinent ; je n’ai jamais pu prendre sur moi de faire fossoyeur et je suis obligé, comme sacristain, de donner 15 sous à l’homme qui creuse la fosse à ma place ».

Ceci étant usage ou pas usage, s'il n'exerce que son métier d'enseignant, l'instituteur ne peut subvenir à ses besoins dans la majorité des cas. C'est ainsi qu'il va être certes secrétaire de mairie ou bedeau mais aussi arpenteur (n'oublions pas que c'est une matière étudiée à l'école normale), écrivain public, sabotier, épicier ...

Donc certes le traitement des instituteurs s’est globalement amélioré depuis 1833 mais la situation financière de l’instituteur reste malgré tout peu enviable. Il reste du travail à faire dans ce domaine ...

Toujours est-il que l’amélioration du statut de l’instituteur va se poursuivre tout au long du 19ème siècle.

La loi Falloux du 15 mars 1850 en fixant le minimum du revenu scolaire à 600 francs, va en revanche interdire aux instituteurs communaux toute profession commerciale ou industrielle. Mais certaines des tâches de nature collective de la commune leur sont encore dévolues : secrétaire de mairie, chantre d’église ou directeur des postes, receveur buraliste sous la condition que ce soit « sans cumul d’occupations commerciales », c’est-à-dire qu’elle ne soit pas associée à celle de débitant de tabac.

Alfred de Falloux
Alfred de Falloux
Mais malgré cette interdiction force est de constater que les instituteurs sont toujours dans la nécessité matérielle de cumuler les emplois : « Tous veulent être secrétaire de mairie, beaucoup ne dédaignent pas d’être chantre d’église. Mais certains tombent de Charybde en Scylla et s’emploient à des tâches ou des services de toute nature : arpenteur pouvait encore passer parce que relevant d’une vieille tradition ; mais il y a aussi des receveurs buralistes, des agents d’assurance, des sonneurs de cloches, des bedeaux et des sacristains ; les uns blanchissent le linge d’autel, battent le tambour ou sont chargés de remonter l’horloge publique, tandis que les autres aident les fabricants de cercueils à mettre les corps en bière, creusent les fosses au cimetière, et même s’en vont l’été casser des cailloux sur les grand’routes. » François Jacquet-Francillon, "Instituteurs avant la République".
Victor Duruy
Victor Duruy


Victor Duruy en 1864 réorganisa l’enseignement en remontant le niveau des études, organisa des conférences pédagogiques et essaya de rehausser le statut des instituteurs car en effet pour beaucoup de personnes, les instituteurs sont en fait des « rusés » ayant réussi à échapper aux travaux laborieux de l’usine ou des champs. Et que dire de leurs longues vacances et de leurs peu d’heures de travail … Mais bien peu comprennent la difficulté du métier et tout ceci pour un salaire misérable. Victor Duruy ne cessa de les présenter dans ses discours, comme les "soldats de la paix", principaux artisans du combat contre l'ignorance.

Mais leur situation n’a guère changé. Ainsi on peut lire dans L’Avenir républicain de l’Aube en 1873 un témoignage d’un instituteur décrivant les difficultés de sa profession :
«  plus de la moitié d’entre nous sont atteints d’infirmité dès l’âge de 35 ans : vue faible, maladie du cœur, de poitrine, extinctions de voix, etc ; pour ma part j’ai 70 élèves des deux sexes ; ma classe est séparée en deux parties par une cloison : les filles sont d’un côté et les garçons de l’autre ; j’ai 5 divisions de garçons et 5 divisions de filles. Tout ce monde travaillant constamment, il me faut instruire et surveiller les autres en même temps. Un grand nombre de ces enfants ne s’en retournent pas chez eux à midi ; ils dînent en classe ; il me faut alors garder la récréation , prendre mon repas, répondre au public qui vient pour affaires à la mairie et préparer mes leçons pour la classe du soir. Bien plus s’il prend envie à monsieur le curé d’appeler les enfants quand je sors de ma classe à 11h pour faire répéter leur catéchisme ; il me faut aux termes du règlement les accompagner à l’église, les y surveiller en présence de monsieur le curé qui ne peut paître ses agneaux sans avoir son chien à ses côtés. Pendant ce temps le public m’attend, mon dîner refroidit ; et les autres élèves filles et garçons se bousculent ensemble dans ma salle de classe en faisant un sabbat épouvantable. Le tout pour la plus grande gloire de Dieu. Après mes  six heures de classe pendant lesquelles j’ai enseigné lecture, écriture, calcul, orthographe, histoire et géographie  etc à chacune de mes divisions, il me faut faire dans la soirée un cours d’adultes à 20 jeunes gens ».

Une loi de 1875 accorde une allocation supplémentaire de 100 francs aux instituteurs et institutrices du premier huitième de la liste de mérite dressée chaque année, et 50 francs à ceux qui figurent sur le second huitième. L’évaluation de l’administration scolaire est donc importante non seulement pour la carrière professionnelle mais également pour le montant de leur traitement.

La loi du 16 juin 1881, qui rend l’enseignement public obligatoire et gratuit, supprime définitivement la rétribution scolaire et supprime enfin le lien direct qu’il y avait entre le nombre d’élèves et le montant du traitement des enseignants.

Enfin loi du 19 juillet 1889, qui fixe les traitements du personnel de l'instruction primaire publique, impose que désormais le traitement des instituteurs est à la charge du Trésor public. Les enseignants échappent désormais entièrement au contrôle municipal.

Article issu du blog généalogique : http://magenealogie.eklablog.com/
Rédigé par Séverine Ros



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